Pour qui ne le savait pas, au Sénégal, la Constitution est réduite à un simple jouet d’enfant malléable à tout vent par des adultes, parfois insouciants. La CNRI, estime qu’elle est , en plus d’être peu ou pas connue des populations, victime de maintes modifications faites « pour des raisons peu louables ». Résultat : le document a perdu de son caractère sacré. Pourtant, précise le rapport, 95 ,5% de « Oui » ont été enregistré chez les personnes interrogées sur la nécessité de consacrer « un caractère non révisable d’au moins 9 de ses domaines que sont : la République unitaire, démocratique et décentralisée, le pluralisme politique, culturel et syndical, le nombre de mandats du Président, la durée du mandat présidentiel, les principes de concertation et de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques, les principes de responsabilité et de reddition des comptes, la déclaration de patrimoine des diverses catégories d’élus et de serviteurs de l’Etat à leur entrée, à leur sortie et à leur cessation de fonction, l’option pour l’Unité Africaine, les dispositions relatives aux révisions constitutionnelles… Pour le reste, il est accepté, certes, une possibilité de révision mais assujettie à des règles dont l’obligation de passer par la voie référendaire. Il s’agit, notamment, de la charte des libertés et de la démocratie, des Institutions de la République, de la libre administration des collectivités locales etc… La CNRI de préciser qu’il existe d’autres domaines qui devraient être soumis à l’appréciation du Parlement.
Pendant que la Constitution continue de subir les agressions de ceux qui étaient chargés, originellement, de la défendre, le peuple perd de sa souveraineté chaque jour davantage. La commission de regretter la carence d’une démocratie participative, malgré le fait que c’est ce peuple à qui appartient, exclusivement, cette souveraineté dont il a délégué l’exercice à des élus qui échappent, anormalement, à leur contrôle. Aux porteurs d’enjeux, la commission soumettra un certain nombre de règles à intégrer dans la Constitution rendant unique souverain le peuple, donnant à ce peuple le plein pouvoir de décider de l’opportunité d’un référendum, lui octroyant un absolu pouvoir de s’informer sur le fonctionnement de l’administration et la gestion des affaires publiques, de même que la protection des données personnelles.
L’enquête révèle aussi le caractère on ne peut plus théorique de la séparation des pouvoirs au Sénégal. En effet, selon la CNRI : « les pouvoir exécutif, législatif et judiciaire ne sont, en fait, ni séparés, ni équilibrés. Ils sont caractérisés par la prédominance d’un Président de la République qui peut décider de tout sans que sa responsabilité ne soit réellement engagée par les décisions qu’il prend, les actes qu’il accomplit. Cet état de fait plombe la démocratie, semble déplorer la commission. Pourtant, 81,08% de réponses favorables confèrent au président de la République don rôle de “définisseur” de la politique de la Nation, de garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et de la paix. Les avis sont nombreux à lui accorder des gages de sécurité et de personnalité. Cette « omnipotence » du Chef de l’Etat étale ses tentacules jusque dans les entrailles du parlement. En effet, là encore il est noté, selon la CNRI, que les parlementaires sont largement soumis à l’influence du Chef de l’exécutif qui le bloque à exercer toutes ses prérogatives dans le vote des lois et dans le contrôle efficient de l’action du Gouvernement en « se bornant généralement, à un soutien inconditionnel de celui-ci », surtout par le truchement de ce qui est appelé majorité parlementaire. Conséquence : le peuple perd la confiance qu’il portait à ses élus. Cette prééminence de l’ exécutif sur les autres pouvoirs est aussi très visible du côté du judiciaire. La CNRI de regretter le fait que ce pouvoir soit, très souvent, instrumentalisé en plus d’être insuffisamment doté en ressources humaines et matérielles appropriées. « Ses décisions ne sont pas motivées, laissant ainsi les justiciables dans l’ignorance des fondements juridiques des sentences qui les concernent. La commission de signaler, par ailleurs , que les abus de la détention provisoire sont fréquents, entraînant une privation indue de liberté à des personnes dont la culpabilité est loin d’être évidente. »
Relativement aux deniers publics et libéralités, 86, 49% des avis recueillis approuvent la déclaration écrite de patrimoine déposée auprès de la Cour des Comptes en début et en fin de fonction. La corruption est reconnue comme faisant partie du quotidien des Sénégalais.
La CNRI de faire retenir que sur le plan purement politique, les formations en place sont caractérisées par un foisonnement inquiétant et une pluralité de partis aux idéologies et objectifs peu crédibles. Par rapport aux collectivités locales, il est retenu une précarité de leurs ressources et une immixtion intempestive dans leur fonctionnement d’une tutelle pesante.