Le Témoin : Depuis le crash de l’avion de Sénégal Airsurvenu dans la nuit du samedi 5 au dimanche 06 septembre, la plupart des pilotes contactés se refugient dernière l’obligation de réserve pour refuser de s’exprimer, sauf vous,Bernard, qui avez vouluparler… Qu’est-ce qui vous motive ?
Bernard Sagna : D’abord, permettez-moi de préciser que je ne peux rien refuser au « Témoin », mon journal préféré, qui m’a toujours offert ses colonnes pour m’exprimer librement. Je me souviens qu’à l’époque, lorsque le propriétaire d’un jet privé tardait à payer les redevances aéroportuaires et que les autorités de l’Aéroport de Paris (Adp) m’avaient interdit de sortir du territoire français en ma qualité de pilote, c’est « Le Témoin » qui avait répercuté mon cri de détresse pour décanter la situation. En dehors de toutes ces considérations, je ne saurais me taire en cette période où la vie des pilotes et des passagers est en danger à cause d’une chaine de défaillances et de laxisme qui a toujours plombé la bonne marche de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim).
Ne me parlez pas de l’obligation de réserve puisque je ne suis pas tenu à cette soi-disant « obligation » si la presse constitue la voie la plus rapide pour sefaire entendre. Tenez ! Le 09 janvier 1998, j’avais envoyé une correspondance au président Abdou Diouf pour attirer son attention sur le laxisme et le manque de sérieux de l’Aviation civile. Le 03 octobre 2007, j’avais adressé également une lettre au président Abdoulaye Wade, et le 27 novembre de la même année, j’avais reformulé la même lettre adressée toujours à Me Abdoulaye Wade alors président de la République. Le 1e octobre 2014, j’ai adressé une lettre au président Macky Sall, de même qu’à Thierno Alassane Sall, alors ministre des Transportsaériens. Seul le président Macky Sall m’a répondu par le biais de son directeur de cabinet, Mouhamadou Makhtar Cissé, pour me dire qu’il a pris note des problèmes que j’ai portés à sa connaissance.
Peut-on savoir le contenu de toutes ces correspondances ?
Evidemment ! Car, le contenu de ces correspondances est la suite logique et macabre de ces nombreux crashs enregistrés ces dernières années au niveau des compagnies privées sénégalaises aux aéronefs vétustes. Sénégal Air en est le dernier cas ! A preuve, dans ces correspondances adressées aux autorités, j’ai tenté d’attirer leur attention sur la problématique, voire la déliquescence,de notre système aéronautique qui nécessite une réforme en profondeur. Et surtoutconcernant le transport aérien et la formation du personnel. Il n’y a eu aucune évolution significative hormis le passage d’une Direction de l’Aviation civile à une Agence Nationale de l’Aviation civile et de la Météorologie (Anacim).
Pour le reste, le constat est alarmant ! Entre autres, le système de transport aérien est mal structuré, les micro-compagnies aériennes sont sans plan de développement et leur gestion ne profite pas à l’économie du pays. Seuls les exploitants véreux ou transporteurs s’enrichissent avec leurs deux ou trois avions aux normes de sûreté « douteuses » au détriment des pilotes et mécaniciens de bord qui ont payé un lourd tribut à ces coucous. Je vous ai donné les noms de nombreux pilotes qui ont crashé ces dernières années (Ndlr, nous détenons effectivement cette liste). Souvenez-vous, juste un exemple, du pilote Paul Faye et son mécanicien Aly Pathé Mboup qui ont crashé au large de Mbour et plus précisément à Ngaparou. Presque dans les mêmes conditions que l’appareil de Sénégal Air de la semaine dernière.
« Depuis plus de 15 ans, j’alertais les autorités, seul Macky Sall m’a répondu par le biais de Mouhamadou Makhtar Cissé »
Pour revenir à ces correspondances, j’ai eu à interpeller les autorités étatiques sur le manque d’écoles types de formation aéronautique. Ce qui est regrettable pour un pays comme le Sénégal, ancienne capitale de l’Aof, dont les fils excellent et se distinguent dans tous les domaines. La Faculté de Médecine de l’Université de Dakar en est un exemple et une référence dans le monde. J’ai aussi déploré dans mes correspondances l’absence d’acteurs nationaux spécialisés dans le transport des flux touristiques et du fret. Or, tout cela constitue un frein au développement alors que le transport aérien et les infrastructures qui l’accompagnent créent des emplois et sont un moteur économique.
Compte tenu de tous ces maux et manquements que vous soulevez, vous n’allez pas nous dire que le système aéronautique sénégalais se trouve dans une situation à ce point catastrophique, quand même ?
Plus que catastrophique ! Tous les professionnels du secteur aérien sont unanimes sur ce point… Parce que nous avons tous constaté une pénurie de pilotes, mécaniciens et de techniciens-avions dans l’industrie du transport aérien national. Si, aujourd’hui, le Sénégal voulait créer une nouvelle compagnie aérienne puisque « Sénégal Airlines » est presque inexistante, on serait obligé derecruter des pilotes et mécaniciens de nationalité étrangère. Comme ce fut le cas pour les deux Algériens qui ont péri dans le crash de Sénégal Air.
Car, la plupart des pilotes et pilotes de ligne sénégalais sont partis à la retraite, s’ils n’ont pas négocié leur départ car dégoûtés ! (Ndlr, nous y reviendrons). Cette situation est d’autant plus critique qu’on ne pourra manifestement plus compter sur l’Armée de l’Air numériquement amoindrie pour fournir comme par le passé le contingent de pilotes et de mécaniciens nécessaires à notre secteur aéronautique. Parce que la majorité écrasante des pilotes et mécaniciens qui s’activent dans le transport aérien, comme moi, sont des purs produits de l’Armée de l’Air.
Bref, tous ces maux et manquements expliquent l’emploi de personnels non qualifiés, la précarisation de l’emploi, le climat social délétère, la dégradation de la sécurité etc… Cela prouve que les compagnies aériennes de droit sénégalais ont un standard de sécurité et de performance inférieur à celui exigé par les normes aéronautiques mondialesdu fait qu’elles disposent de très peu voire pas de ressources humaines et des connaissances requises en la matière. Malheureusement, cette situation a provoqué une crise d’autorité en matière de surveillance dans la conduite de la politique mise en place par l’Etat pour le secteur aéronautique.
Revenons sur l’avion de Sénégal Air qui s'est abîmé au large de Dakar. En tant que pilote et expert aéronautique, que s’est-il passé selon vous ?
Personnellement et sincèrement, je n’en sais rien ! Jusque-là, personne ne peut vous dire ce qui s’est réellement passé tant que l’épave n’est pas retrouvée et expertisée. Et comme la voix la plus autorisée a parlé d’« abordage », en ma qualité de pilote et d’expert aéronautique, je peux vous donner mon avis d’expert : S’il y a vraiment abordage, c’est une chaine de responsabilité et de culpabilité partagée ! Car, qui dit abordage dit dysfonctionnement du contrôle aérien qui n’a pas pu résoudre le trafic conflictuel alors qu’il a pour fonction de prévenir les abordages entre avions.
« Le risque d’abordage est un cas rarissime »
Car, dans le ciel, pour faciliter la compréhension de vos lecteurs, il existe plusieurs autoroutes aériennes déjà tracées. Par exemple, pour l’axe Dakar-Ouaga, la tour de contrôle indique rigoureusement au pilote la route à prendre et à parcourir jusqu’à destination. De même que l’altitude à prendre. Même si deux avions prennent la même route, ils ne doivent pas prendre la même altitude. En général, ils ne se voient même pas ! D’autre part, il y a manque de vigilance des pilotes puisque les deux avions sont équipés de système anti-abordage dit « Tcas II » qui alerte le pilote de la présence d’un autre avion sur sa trajectoire. En tout cas, l’'abordage est un cas rarissime…
Mais en cas d’abordage, quelle est la solution extrême pour éviter le pire ?
Mais deux avions en collision, je dis bien « collision », c’est la catastrophe ! Une catastrophe pour tous les deux appareils. Donc, un avion qui percute voire frôle l’aile d’un autre avion, comme ce fut le cas de l’accident de Sénégal Air, c’est le moindre mal. Dans ce cas, pour éviter le crash, le commandant de bord du Hs 125, c’est-à-direl’avion Sénégal Air, devait atterrir à l’aéroport de Bamako ou, si possible, celui de Tambacounda pour faire inspecter l’appareil avant de reprendre les airs. C’était la seule solution extrême pour éviter le crash.
Est-ce que l’aérodrome de Tambacounda est opérationnel ?
Toujours est-il qu’en poursuivant son vol, le pilote n’avait pas conscience du risque qu’il encourait. Car, au cours du vol, les forces aérodynamiques exercées sur l’élément de l’avion impacté peuvent causer la rupture de celui-ci et rendre l’appareil incontrôlable. A mon avis, cela peut expliquer le crash survenu à 111 km de Dakar. D’où la perte simultanée de contact radio et de contact radar. Mais 111 km de Dakar, ne peut être qu’au large de Mbour puisque je connais très bien cet itinéraire.
Pensez-vous que le système « Alerte détresse » de l’avion Sénégal Air a failli à sa fonction première, c’est-à-dire alerter ?
Comment ça ! Si les autorités ont déclaré avoir des informations selon lesquelles le crash serait survenu à 111 km, cela laisse croire que l’alerte détresse a été déclenchée. Sinon, on n’aurait pas su que c’est à 111 km de Dakar que le crash s’est produit. Encore une fois, tous les aéronefs au monde sont équipés d’un système d’alerte détresse. Et dès que l’avion touche ou percute le moindre obstacle ou le moindre oiseau, le signal d’alerte est transmis à tous les avions survolant la zone. Même les bateaux en haute mer reçoivent l’alerte puisque les avions et les navires partagent la même fréquence « détresse ».
« Il y a une pénurie de pilotes de l’air au Sénégal »
Ce qu’il faut déplorer, c’est la lenteur dans le déclenchement des phases d’alerte et des opérations Recherche et Sauvetage, en anglais « Search and rescue » (Sar). Cela dénote certainement l’absence ou l’obsolescence des moyens mis à la disposition et un personnel en charge peu ou pas formé. Puisque, jusqu’à présent, les opérations Sar en cours n’arrivent pas à localiser l’avion faute d’avoir tracé la route suivie par l’avion sur la carte au moment de la perte du contact radar qui devait conduire au déclenchement d’alerte détresse. Ces dysfonctionnements prouvent que le service d’alerte ne fonctionne pas de manière satisfaisante conformément à l’annexe 11 de la convention de Chicago.
Comment voyez-vous la nomination de l’expert Amadou Lamine Traoré à la tête du Bea ?
Pour moi, la nomination de Traoré n’est pas une surprise puisque c’est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ! Sa compétence et son expertise sans commune mesure lui permettent d’élucider n’importe quel type d’accident d’avion. Au contraire, c’est le fait de l’avoir nommé tardivement à la tête du Bureau d’enquête et d’analyse pour la sécurité de l’aviation civile (Bea) du Sénégal qui est surprenant ! Parce qu’il a eu à piloter le projet Bea pendant longtemps jusqu’à ce que le bureau soit créé en mai 2015. Pourquoi attendre cinq mois après, c'est-à-dire après cet accident de Sénégal Air, pour que Amadou Lamine Traoré soit nommé directeur ? Je suis persuadé qu’il y avait des lobbys souterrains qui tentaient de torpiller sa nomination. Cela montre que l’Anacim est squattée par des « plombiers ». Une chose est sûre, le président de la République ne s’est pas trompé de choix sur la personne de Traoré dont les qualités professionnelles sont de renommée mondiale. Je le connais, il me connait car le secteur aéronautique est une petite famille restreinte où les membres se connaissent. On sait qui est qui !
Êtes-vous prêt à mettre votre compétence et votre expertise à la disposition de l’Etat du Sénégal ?
Pourquoi pas ? J’ai beaucoup à apporter à mon pays, surtout dans le domaine aéronautique. Car, le secteur aéronautique est à la fois sensible et stratégique et on ne doit pas le laisser entre des mains inexpertes.
« Le Témoin »
Bernard Sagna : D’abord, permettez-moi de préciser que je ne peux rien refuser au « Témoin », mon journal préféré, qui m’a toujours offert ses colonnes pour m’exprimer librement. Je me souviens qu’à l’époque, lorsque le propriétaire d’un jet privé tardait à payer les redevances aéroportuaires et que les autorités de l’Aéroport de Paris (Adp) m’avaient interdit de sortir du territoire français en ma qualité de pilote, c’est « Le Témoin » qui avait répercuté mon cri de détresse pour décanter la situation. En dehors de toutes ces considérations, je ne saurais me taire en cette période où la vie des pilotes et des passagers est en danger à cause d’une chaine de défaillances et de laxisme qui a toujours plombé la bonne marche de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim).
Ne me parlez pas de l’obligation de réserve puisque je ne suis pas tenu à cette soi-disant « obligation » si la presse constitue la voie la plus rapide pour sefaire entendre. Tenez ! Le 09 janvier 1998, j’avais envoyé une correspondance au président Abdou Diouf pour attirer son attention sur le laxisme et le manque de sérieux de l’Aviation civile. Le 03 octobre 2007, j’avais adressé également une lettre au président Abdoulaye Wade, et le 27 novembre de la même année, j’avais reformulé la même lettre adressée toujours à Me Abdoulaye Wade alors président de la République. Le 1e octobre 2014, j’ai adressé une lettre au président Macky Sall, de même qu’à Thierno Alassane Sall, alors ministre des Transportsaériens. Seul le président Macky Sall m’a répondu par le biais de son directeur de cabinet, Mouhamadou Makhtar Cissé, pour me dire qu’il a pris note des problèmes que j’ai portés à sa connaissance.
Peut-on savoir le contenu de toutes ces correspondances ?
Evidemment ! Car, le contenu de ces correspondances est la suite logique et macabre de ces nombreux crashs enregistrés ces dernières années au niveau des compagnies privées sénégalaises aux aéronefs vétustes. Sénégal Air en est le dernier cas ! A preuve, dans ces correspondances adressées aux autorités, j’ai tenté d’attirer leur attention sur la problématique, voire la déliquescence,de notre système aéronautique qui nécessite une réforme en profondeur. Et surtoutconcernant le transport aérien et la formation du personnel. Il n’y a eu aucune évolution significative hormis le passage d’une Direction de l’Aviation civile à une Agence Nationale de l’Aviation civile et de la Météorologie (Anacim).
Pour le reste, le constat est alarmant ! Entre autres, le système de transport aérien est mal structuré, les micro-compagnies aériennes sont sans plan de développement et leur gestion ne profite pas à l’économie du pays. Seuls les exploitants véreux ou transporteurs s’enrichissent avec leurs deux ou trois avions aux normes de sûreté « douteuses » au détriment des pilotes et mécaniciens de bord qui ont payé un lourd tribut à ces coucous. Je vous ai donné les noms de nombreux pilotes qui ont crashé ces dernières années (Ndlr, nous détenons effectivement cette liste). Souvenez-vous, juste un exemple, du pilote Paul Faye et son mécanicien Aly Pathé Mboup qui ont crashé au large de Mbour et plus précisément à Ngaparou. Presque dans les mêmes conditions que l’appareil de Sénégal Air de la semaine dernière.
« Depuis plus de 15 ans, j’alertais les autorités, seul Macky Sall m’a répondu par le biais de Mouhamadou Makhtar Cissé »
Pour revenir à ces correspondances, j’ai eu à interpeller les autorités étatiques sur le manque d’écoles types de formation aéronautique. Ce qui est regrettable pour un pays comme le Sénégal, ancienne capitale de l’Aof, dont les fils excellent et se distinguent dans tous les domaines. La Faculté de Médecine de l’Université de Dakar en est un exemple et une référence dans le monde. J’ai aussi déploré dans mes correspondances l’absence d’acteurs nationaux spécialisés dans le transport des flux touristiques et du fret. Or, tout cela constitue un frein au développement alors que le transport aérien et les infrastructures qui l’accompagnent créent des emplois et sont un moteur économique.
Compte tenu de tous ces maux et manquements que vous soulevez, vous n’allez pas nous dire que le système aéronautique sénégalais se trouve dans une situation à ce point catastrophique, quand même ?
Plus que catastrophique ! Tous les professionnels du secteur aérien sont unanimes sur ce point… Parce que nous avons tous constaté une pénurie de pilotes, mécaniciens et de techniciens-avions dans l’industrie du transport aérien national. Si, aujourd’hui, le Sénégal voulait créer une nouvelle compagnie aérienne puisque « Sénégal Airlines » est presque inexistante, on serait obligé derecruter des pilotes et mécaniciens de nationalité étrangère. Comme ce fut le cas pour les deux Algériens qui ont péri dans le crash de Sénégal Air.
Car, la plupart des pilotes et pilotes de ligne sénégalais sont partis à la retraite, s’ils n’ont pas négocié leur départ car dégoûtés ! (Ndlr, nous y reviendrons). Cette situation est d’autant plus critique qu’on ne pourra manifestement plus compter sur l’Armée de l’Air numériquement amoindrie pour fournir comme par le passé le contingent de pilotes et de mécaniciens nécessaires à notre secteur aéronautique. Parce que la majorité écrasante des pilotes et mécaniciens qui s’activent dans le transport aérien, comme moi, sont des purs produits de l’Armée de l’Air.
Bref, tous ces maux et manquements expliquent l’emploi de personnels non qualifiés, la précarisation de l’emploi, le climat social délétère, la dégradation de la sécurité etc… Cela prouve que les compagnies aériennes de droit sénégalais ont un standard de sécurité et de performance inférieur à celui exigé par les normes aéronautiques mondialesdu fait qu’elles disposent de très peu voire pas de ressources humaines et des connaissances requises en la matière. Malheureusement, cette situation a provoqué une crise d’autorité en matière de surveillance dans la conduite de la politique mise en place par l’Etat pour le secteur aéronautique.
Revenons sur l’avion de Sénégal Air qui s'est abîmé au large de Dakar. En tant que pilote et expert aéronautique, que s’est-il passé selon vous ?
Personnellement et sincèrement, je n’en sais rien ! Jusque-là, personne ne peut vous dire ce qui s’est réellement passé tant que l’épave n’est pas retrouvée et expertisée. Et comme la voix la plus autorisée a parlé d’« abordage », en ma qualité de pilote et d’expert aéronautique, je peux vous donner mon avis d’expert : S’il y a vraiment abordage, c’est une chaine de responsabilité et de culpabilité partagée ! Car, qui dit abordage dit dysfonctionnement du contrôle aérien qui n’a pas pu résoudre le trafic conflictuel alors qu’il a pour fonction de prévenir les abordages entre avions.
« Le risque d’abordage est un cas rarissime »
Car, dans le ciel, pour faciliter la compréhension de vos lecteurs, il existe plusieurs autoroutes aériennes déjà tracées. Par exemple, pour l’axe Dakar-Ouaga, la tour de contrôle indique rigoureusement au pilote la route à prendre et à parcourir jusqu’à destination. De même que l’altitude à prendre. Même si deux avions prennent la même route, ils ne doivent pas prendre la même altitude. En général, ils ne se voient même pas ! D’autre part, il y a manque de vigilance des pilotes puisque les deux avions sont équipés de système anti-abordage dit « Tcas II » qui alerte le pilote de la présence d’un autre avion sur sa trajectoire. En tout cas, l’'abordage est un cas rarissime…
Mais en cas d’abordage, quelle est la solution extrême pour éviter le pire ?
Mais deux avions en collision, je dis bien « collision », c’est la catastrophe ! Une catastrophe pour tous les deux appareils. Donc, un avion qui percute voire frôle l’aile d’un autre avion, comme ce fut le cas de l’accident de Sénégal Air, c’est le moindre mal. Dans ce cas, pour éviter le crash, le commandant de bord du Hs 125, c’est-à-direl’avion Sénégal Air, devait atterrir à l’aéroport de Bamako ou, si possible, celui de Tambacounda pour faire inspecter l’appareil avant de reprendre les airs. C’était la seule solution extrême pour éviter le crash.
Est-ce que l’aérodrome de Tambacounda est opérationnel ?
Toujours est-il qu’en poursuivant son vol, le pilote n’avait pas conscience du risque qu’il encourait. Car, au cours du vol, les forces aérodynamiques exercées sur l’élément de l’avion impacté peuvent causer la rupture de celui-ci et rendre l’appareil incontrôlable. A mon avis, cela peut expliquer le crash survenu à 111 km de Dakar. D’où la perte simultanée de contact radio et de contact radar. Mais 111 km de Dakar, ne peut être qu’au large de Mbour puisque je connais très bien cet itinéraire.
Pensez-vous que le système « Alerte détresse » de l’avion Sénégal Air a failli à sa fonction première, c’est-à-dire alerter ?
Comment ça ! Si les autorités ont déclaré avoir des informations selon lesquelles le crash serait survenu à 111 km, cela laisse croire que l’alerte détresse a été déclenchée. Sinon, on n’aurait pas su que c’est à 111 km de Dakar que le crash s’est produit. Encore une fois, tous les aéronefs au monde sont équipés d’un système d’alerte détresse. Et dès que l’avion touche ou percute le moindre obstacle ou le moindre oiseau, le signal d’alerte est transmis à tous les avions survolant la zone. Même les bateaux en haute mer reçoivent l’alerte puisque les avions et les navires partagent la même fréquence « détresse ».
« Il y a une pénurie de pilotes de l’air au Sénégal »
Ce qu’il faut déplorer, c’est la lenteur dans le déclenchement des phases d’alerte et des opérations Recherche et Sauvetage, en anglais « Search and rescue » (Sar). Cela dénote certainement l’absence ou l’obsolescence des moyens mis à la disposition et un personnel en charge peu ou pas formé. Puisque, jusqu’à présent, les opérations Sar en cours n’arrivent pas à localiser l’avion faute d’avoir tracé la route suivie par l’avion sur la carte au moment de la perte du contact radar qui devait conduire au déclenchement d’alerte détresse. Ces dysfonctionnements prouvent que le service d’alerte ne fonctionne pas de manière satisfaisante conformément à l’annexe 11 de la convention de Chicago.
Comment voyez-vous la nomination de l’expert Amadou Lamine Traoré à la tête du Bea ?
Pour moi, la nomination de Traoré n’est pas une surprise puisque c’est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ! Sa compétence et son expertise sans commune mesure lui permettent d’élucider n’importe quel type d’accident d’avion. Au contraire, c’est le fait de l’avoir nommé tardivement à la tête du Bureau d’enquête et d’analyse pour la sécurité de l’aviation civile (Bea) du Sénégal qui est surprenant ! Parce qu’il a eu à piloter le projet Bea pendant longtemps jusqu’à ce que le bureau soit créé en mai 2015. Pourquoi attendre cinq mois après, c'est-à-dire après cet accident de Sénégal Air, pour que Amadou Lamine Traoré soit nommé directeur ? Je suis persuadé qu’il y avait des lobbys souterrains qui tentaient de torpiller sa nomination. Cela montre que l’Anacim est squattée par des « plombiers ». Une chose est sûre, le président de la République ne s’est pas trompé de choix sur la personne de Traoré dont les qualités professionnelles sont de renommée mondiale. Je le connais, il me connait car le secteur aéronautique est une petite famille restreinte où les membres se connaissent. On sait qui est qui !
Êtes-vous prêt à mettre votre compétence et votre expertise à la disposition de l’Etat du Sénégal ?
Pourquoi pas ? J’ai beaucoup à apporter à mon pays, surtout dans le domaine aéronautique. Car, le secteur aéronautique est à la fois sensible et stratégique et on ne doit pas le laisser entre des mains inexpertes.
« Le Témoin »