Comment avoir la tête à la campagne, quand la guerre revient sur le sol européen? Voilà l’équation que doit résoudre Emmanuel Macron, alors que la crise déclenchée par la Russie en Ukraine intervient à moins de deux mois du premier tour de l’élection présidentielle. Obligé de renfiler son costume de chef de guerre, le chef de l’État se consacre à 100% au dossier ukrainien, laissant ainsi le champ libre à ceux qui le souhaitent en France pour critiquer son action sans pouvoir défendre son approche.
Échanges avec les parties prenantes, réunions multilatérales... Emmanuel Macron est comme aspiré par cet agenda international qui ne laisse que peu de place aux considérations franco-françaises. Ce vendredi 25 février, son programme est particulièrement chargé. Il reçoit à l’Élysée François Hollande et Nicolas Sarkozy. “Une tradition républicaine dans un moment de crise aiguë”, précise l’Élysée. Puis il participe à un sommet de l’Otan depuis le centre de planification et de conduite des opérations du ministère des Armées.
“Honnêtement, il est très occupé par la situation, c’est sa priorité aujourd’hui et la candidature viendra ensuite”, soufflait lundi un proche du président de la République au HuffPost, d’un air plus grave qu’à l’accoutumée. Il y a cinq jours donc: un siècle sur le plan diplomatique, tant personne ne semblait imaginer à ce moment-là que Vladimir Poutine allait déployer une offensive de cette ampleur sur le territoire ukrainien.
Le meeting de Marseille maintenu?
C’est dire si le premier meeting du candidat Macron, prévu le 5 mars à Marseille, paraît loin. Et le doute s’installe en Macronie: pourra-t-il seulement se tenir si Kiev tombe aux mains de l’armée de russe entre-temps? “La question se pose”, souffle au HuffPost un marcheur influent, bien conscient que l’agenda du candidat est conditionné aux évolutions d’un conflit par essence imprévisible. Outre le timing, son action dans ce dossier pourra-t-elle être valorisée dans une campagne présidentielle, où les questions internationales sont, habituellement, reléguées au second plan?
“Depuis le début de cette campagne, la question de la sécurité externe de la France avait été réduite à peau de chagrin. Cette guerre au cœur de l’Europe va donc de facto profiter à Emmanuel Macron car il est le chef de l’Etat et le président du Conseil de l’Union européenne”, estime le politologue Bruno Cautrès, cité par franceinfo. Avec toutefois une nuance: “s’il arrive à mener une bonne coordination du cockpit européen, ça passera. En revanche, si c’est l’image d’une impuissance européenne qui se dégage, les critiques seront nombreuses”.
À l’AFP, le politologue Pascal Perrineau abonde: “ce type de crise majeure, où la guerre revient sur le continent européen, va mettre en avant les qualités de gouvernance présidentielle des candidats”. Soit peu ou prou la lecture faite au Figaro par un proche du chef de l’État: “le président peut bénéficier d’une prime à quatre valeurs. Le sang-froid, la détermination, la préservation de l’unité nationale et européenne, et l’expérience”. Pour le moment, les oppositions sont réduites à commenter de loin l’action d’Emmanuel Macron, et les critiques se font davantage sur la forme que sur le fond, puisque personne d’autre que ceux qui sont aux commandes ne connaissent les tenants et aboutissants du conflit.
“Les crises, ça vous assèche”
D’autant que certains, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Éric Zemmour, s’emploient désormais à gommer leurs positions pro-Poutine exprimées par le passé, quand Valérie Pécresse doit se défaire de l’ombre pesante de François Fillon, toujours employé par un géant russe de la pétrochimie et de l’énergie, au point d’être dans le viseur des autorités britanniques pour de possibles sanctions financières. Autant d’éléments qui laissent penser qu’Emmanuel Macron pourrait profiter de la position d’aplomb offerte par sa fonction. À la condition de ne pas y laisser trop d’énergie.
“Les crises, ça vous assèche, psychologiquement et physiquement. Je l’ai vu avec François Hollande, au moment des attentats ou des interventions en Syrie. Toute la force vitale est aspirée. C’est donc très difficile de revenir dans le jeu politique avec une position de conquérant”, prévenait récemment Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de l’ex-président socialiste, rappelant que l’autre risque pour Emmanuel Macron est de voir son visage systématiquement associé aux temps difficiles: gilets jaunes, crise sanitaire et, désormais, guerre en Europe. Rapporte Vipeoples