«Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent. » George Orwell
Tous les observateurs et analystes politiques en conviennent : le champ politique sénégalais est le lieu où tout ce qu’il y a de plus affreux et d’absurde trouve une sublimation à la fois morale et intellectuelle. Le revirement des alliés de Macky dans son reniement historique se lancent maintenant sans vergogne dans une campagne d’assomption de son forfait. Nos politiciens se servent de la démocratie en la mettant constamment en péril : par leurs discours pompeux et mensonger, ils emballent le peuple et l’engagent dans un cercle vicieux de retour incessant au point de départ. Cette tactique du sapeur pompier pyromane est la seule constante dans la pratique de la classe politique certes vieillissante mais toujours plus astucieuse et aguerrie en matière d’intrigues malveillantes. Au regard de l’actualité, les fameuses « Assises nationales » sont à ranger dans ce registre de machination des politique contre la démocratie. On me rétorquera que la popularité de ces Assises fut le gage de leur légitimité politique et de leur pertinence démocratique.
À cela je répondrai que le fait qu’une partie du peuple adhère à une idée ne prouve ni son utilité sociale ni sa pertinence démocratique et ce, pour plusieurs raisons, dont trois principales. La première raison que j’évoquerai est relative à la situation économique un peu étriquée dans laquelle se trouve la majorité de nos concitoyens : la situation est si souvent désespérée que l’idée la plus curieuse peut y prospérer du fait même qu’elle suscite un peu d’espérance, espérance strictement due à son ambiguïté. La deuxième raison est d’ordre intellectuel, et tous les spécialistes de la propagande et du marketing politique l’ont établie : les notions difficiles, fussent-elles fécondes et généreuses, rebutent l’intelligence des masses ; alors que les formules simples, fussent-elles creuses et sans avenir, accrochent et séduisent les peuples. Des saintes Assises à ce bricolage institutionnel proposé par Macky Sall : quel gâchis !
Les « Assises nationales » ne furent, en réalité, que le prolongement de la contestation du régime de Wade. Une tribune nouvelle pour vilipender et délégitimer ce régime : voilà ce que fut, dans son fond, le projet d’assises nationales. Aucune urgence démocratique ne l’exigeait, aucune utilité économique ne le suggérait, aucune morale politique ne le recommandait au regard de la situation politique d’alors. La vérité historique est que ces Assises étaient une sorte d’épouvantail ou de piège politique (MBOG en sérère) contre le peuple et des adversaires. Le propre de l’épouvantail, quelque soit sa forme, est d’être un faux qui est pourtant investi du pouvoir d’agir efficacement sur sa cible. Symbole d’une terreur chimérique, l’épouvantail a ceci de particulier de toujours susciter une terreur réelle sur sa cible et de l’empêcher ainsi d’être sereine et confiante. Dans le champ politique également il y a des créations qui fonctionnent de la sorte : comme des épouvantails elles ne servent qu’à susciter la terreur sur les esprits. Il s’agissait pour les tenants de cette idée d’une façon d’épouvanter le peuple et le régime en faisant croire, par le pessimisme et l’alarmisme politique, que le pays est dans une situation d’implosion : la vérité de l’actualité politique est que rien ne justifiait une telle entreprise. Le problème est que les défaits de l’époque n’avaient pas accepté la situation que la démocratie leur avait imposée. Profitant du fait que les gouvernants se délectèrent abusivement de leur victoire alors que le peuple réclamait avec insistance une baisse considérable des prix des produits de consommation courante et une solution aux problèmes récurrents d’énergie, des entrepreneurs politiques, extrêmement rusés et habiles, ont embarqué tout le monde dans un navire sans moteur réel.
Nous sommes dans une société qui se veut démocratique mais où les gens qui sont censés construire et perfectionner cette démocratie agissent exclusivement sur deux vecteurs : la convoitise et la haine. Or, la haine et la convoitise sont les deux sentiments qui, à la fois rongent le cœur des citoyens de la démocratie et consument inexorablement le corps social. Des ambitions personnelles démesurées portées par des hommes de peu de qualité morale et de science nous installent dans une atmosphère de crise permanente. Les membres du corps social rivalisent en tout, y compris au sujet des choses les plus anodines et les plus évidentes, de sorte qu’ils ont eux-mêmes la conviction que c’est seulement dans le tiraillement et la tension qu’ils peuvent vivre et s’épanouir.
L’exercice du pouvoir corrompt non seulement au sens où ça dénature les gouvernants, mais aussi et surtout au sens où il atrophie le charisme et l’admiration que dégage celui qui l’incarne. Le mystère du nouveau détenteur du pouvoir disparaît progressivement au même rythme que le mystère irrésistible qui astreint les deux amants à se désirer toujours davantage tant que le mariage n’est pas consommé et qui, après ce délai, risque de devenir trop ordinaire. En effet, plus la connaissance de l’autre s’approfondit, le charme et le feu sacré cèdent la place à la routine et, parfois, à la démystification et ce qui s’en suit. Sous le même registre que l’amour, le pouvoir politique en démocratie porte en lui-même les germes de sa propre contestation, de sa propre opposition ; de sorte qu’on a souvent l’impression qu’il travaille pour le compte de son propre adversaire. Le travail de l’opposition n’aurait jamais été si facile si le régime de Wade avait suffisamment compris le sens des complaintes citoyennes.
Le mode opératoire que l’opposition sénégalaise a mis en œuvre à l’occasion de ces « Assises » est fondamentalement mystificateur. En effet, en réussissant la tactique démagogique de faire présider ses Assises par une personnalité de la trempe d’Amadou Mactar Mbow, elle est parvenue subrepticement à donner une caution morale, technocratique et même politique à une pure machination politique. Nous ne nous permettrons pas de mettre en doute l’intégrité de A. M. Mbow, nous ne doutons guère de sa bonne foi, mais rien ne nous garantit qu’il pouvait échapper d’office à toute instrumentalisation.
Les propositions et ingénieries politico-économiques qui sont sorties de ces Assises n’ont pas à être pertinentes ou pas, elles n’ont pas à être réalisables ou non ! C’est peut-être même le dernier souci des initiateurs de ce forum. En revanche la légitimité technocratique qui a maquillé les contours de ces « Assises » suffisait largement pour produire l’effet d’une escroquerie politique. Ces « Assises » ont été un prétexte pour les promesses et les projets les plus utopiques et les plus fantaisistes car, l’effet recherché était tout bonnement la disqualification de l’autre dans la course vers l’accumulation de la popularité, quitte à tomber dans le populisme le plus infâme. Hier comme aujourd’hui (des Assises à ces pseudos réformes constitutionnelles) les préoccupations du peuple ne sont guère vraiment la raison et la finalité des entreprises politiques : c’est le pouvoir lui-même qui est l’enjeu principal ou la fin en soi à laquelle le peuple pouvait être sacrifié sans regret ni remords.
Même la gauche qui a avait le plus à gagner dans ses Assises semble aujourd’hui leur tourner le dos. Se sont-ils embourgeoisés ? Sont-ils en train de préparer une retraite politique dorée ? Ont-ils abandonné leur utopie rédemptrice ? Ce qui est clair aujourd’hui c’est que les grands perdants de ces Assises sont le peuple et les acteurs qui étaient de bonne foi. La rupture de BENNO SIGGIL Sénégal a été un signal fort pour décrypter le jeu de dupes qu’il y avait derrière ces Assises. Alors que la coalition susmentionnée avait proclamé son engagement à appliquer les résultats des Assises, une querelle de préséance à la candidature à la présidentielle a rompu l’unité. Comment des gens qui prétendaient vouloir affaiblir le présidentialisme excessif, à défaut de le remplacer par un régime semi-parlementaire, peuvent-ils se disputer une candidature à une présidentielle ?
Le plus étrange est qu’une fois le pouvoir acquis, les acteurs des Assises semblèrent hypnotisés et aveuglés par le partage des postes de responsabilité à tel point qu’il fallût recourir à une CNRI pour encore produire le saint graal de nos institutions. De ce saint graal, le despote éclairé ne retint que ce qui lui sembla pertinent : et les « Assisards » ne trouvèrent rien à dire, sinon que c’est qui a été élu ! Rien n’a changé dans ce pays, à part les hommes ! Tout, sur le plan institutionnel et démocratique, a empiré dans ce pays ! Les pratiques sont les mêmes, voire pires. Les Sénégalais sont indignés, dégoutés et lâchement embarqués dans des discussions stériles avec un référendum qui n’a d’autre finalité que de maquiller un mensonge historique et des échecs retentissants.
LE PEUPLE SE MEURT ET LE MENSONGE CONTINUE DE PLUS BELLE !
Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Tous les observateurs et analystes politiques en conviennent : le champ politique sénégalais est le lieu où tout ce qu’il y a de plus affreux et d’absurde trouve une sublimation à la fois morale et intellectuelle. Le revirement des alliés de Macky dans son reniement historique se lancent maintenant sans vergogne dans une campagne d’assomption de son forfait. Nos politiciens se servent de la démocratie en la mettant constamment en péril : par leurs discours pompeux et mensonger, ils emballent le peuple et l’engagent dans un cercle vicieux de retour incessant au point de départ. Cette tactique du sapeur pompier pyromane est la seule constante dans la pratique de la classe politique certes vieillissante mais toujours plus astucieuse et aguerrie en matière d’intrigues malveillantes. Au regard de l’actualité, les fameuses « Assises nationales » sont à ranger dans ce registre de machination des politique contre la démocratie. On me rétorquera que la popularité de ces Assises fut le gage de leur légitimité politique et de leur pertinence démocratique.
À cela je répondrai que le fait qu’une partie du peuple adhère à une idée ne prouve ni son utilité sociale ni sa pertinence démocratique et ce, pour plusieurs raisons, dont trois principales. La première raison que j’évoquerai est relative à la situation économique un peu étriquée dans laquelle se trouve la majorité de nos concitoyens : la situation est si souvent désespérée que l’idée la plus curieuse peut y prospérer du fait même qu’elle suscite un peu d’espérance, espérance strictement due à son ambiguïté. La deuxième raison est d’ordre intellectuel, et tous les spécialistes de la propagande et du marketing politique l’ont établie : les notions difficiles, fussent-elles fécondes et généreuses, rebutent l’intelligence des masses ; alors que les formules simples, fussent-elles creuses et sans avenir, accrochent et séduisent les peuples. Des saintes Assises à ce bricolage institutionnel proposé par Macky Sall : quel gâchis !
Les « Assises nationales » ne furent, en réalité, que le prolongement de la contestation du régime de Wade. Une tribune nouvelle pour vilipender et délégitimer ce régime : voilà ce que fut, dans son fond, le projet d’assises nationales. Aucune urgence démocratique ne l’exigeait, aucune utilité économique ne le suggérait, aucune morale politique ne le recommandait au regard de la situation politique d’alors. La vérité historique est que ces Assises étaient une sorte d’épouvantail ou de piège politique (MBOG en sérère) contre le peuple et des adversaires. Le propre de l’épouvantail, quelque soit sa forme, est d’être un faux qui est pourtant investi du pouvoir d’agir efficacement sur sa cible. Symbole d’une terreur chimérique, l’épouvantail a ceci de particulier de toujours susciter une terreur réelle sur sa cible et de l’empêcher ainsi d’être sereine et confiante. Dans le champ politique également il y a des créations qui fonctionnent de la sorte : comme des épouvantails elles ne servent qu’à susciter la terreur sur les esprits. Il s’agissait pour les tenants de cette idée d’une façon d’épouvanter le peuple et le régime en faisant croire, par le pessimisme et l’alarmisme politique, que le pays est dans une situation d’implosion : la vérité de l’actualité politique est que rien ne justifiait une telle entreprise. Le problème est que les défaits de l’époque n’avaient pas accepté la situation que la démocratie leur avait imposée. Profitant du fait que les gouvernants se délectèrent abusivement de leur victoire alors que le peuple réclamait avec insistance une baisse considérable des prix des produits de consommation courante et une solution aux problèmes récurrents d’énergie, des entrepreneurs politiques, extrêmement rusés et habiles, ont embarqué tout le monde dans un navire sans moteur réel.
Nous sommes dans une société qui se veut démocratique mais où les gens qui sont censés construire et perfectionner cette démocratie agissent exclusivement sur deux vecteurs : la convoitise et la haine. Or, la haine et la convoitise sont les deux sentiments qui, à la fois rongent le cœur des citoyens de la démocratie et consument inexorablement le corps social. Des ambitions personnelles démesurées portées par des hommes de peu de qualité morale et de science nous installent dans une atmosphère de crise permanente. Les membres du corps social rivalisent en tout, y compris au sujet des choses les plus anodines et les plus évidentes, de sorte qu’ils ont eux-mêmes la conviction que c’est seulement dans le tiraillement et la tension qu’ils peuvent vivre et s’épanouir.
L’exercice du pouvoir corrompt non seulement au sens où ça dénature les gouvernants, mais aussi et surtout au sens où il atrophie le charisme et l’admiration que dégage celui qui l’incarne. Le mystère du nouveau détenteur du pouvoir disparaît progressivement au même rythme que le mystère irrésistible qui astreint les deux amants à se désirer toujours davantage tant que le mariage n’est pas consommé et qui, après ce délai, risque de devenir trop ordinaire. En effet, plus la connaissance de l’autre s’approfondit, le charme et le feu sacré cèdent la place à la routine et, parfois, à la démystification et ce qui s’en suit. Sous le même registre que l’amour, le pouvoir politique en démocratie porte en lui-même les germes de sa propre contestation, de sa propre opposition ; de sorte qu’on a souvent l’impression qu’il travaille pour le compte de son propre adversaire. Le travail de l’opposition n’aurait jamais été si facile si le régime de Wade avait suffisamment compris le sens des complaintes citoyennes.
Le mode opératoire que l’opposition sénégalaise a mis en œuvre à l’occasion de ces « Assises » est fondamentalement mystificateur. En effet, en réussissant la tactique démagogique de faire présider ses Assises par une personnalité de la trempe d’Amadou Mactar Mbow, elle est parvenue subrepticement à donner une caution morale, technocratique et même politique à une pure machination politique. Nous ne nous permettrons pas de mettre en doute l’intégrité de A. M. Mbow, nous ne doutons guère de sa bonne foi, mais rien ne nous garantit qu’il pouvait échapper d’office à toute instrumentalisation.
Les propositions et ingénieries politico-économiques qui sont sorties de ces Assises n’ont pas à être pertinentes ou pas, elles n’ont pas à être réalisables ou non ! C’est peut-être même le dernier souci des initiateurs de ce forum. En revanche la légitimité technocratique qui a maquillé les contours de ces « Assises » suffisait largement pour produire l’effet d’une escroquerie politique. Ces « Assises » ont été un prétexte pour les promesses et les projets les plus utopiques et les plus fantaisistes car, l’effet recherché était tout bonnement la disqualification de l’autre dans la course vers l’accumulation de la popularité, quitte à tomber dans le populisme le plus infâme. Hier comme aujourd’hui (des Assises à ces pseudos réformes constitutionnelles) les préoccupations du peuple ne sont guère vraiment la raison et la finalité des entreprises politiques : c’est le pouvoir lui-même qui est l’enjeu principal ou la fin en soi à laquelle le peuple pouvait être sacrifié sans regret ni remords.
Même la gauche qui a avait le plus à gagner dans ses Assises semble aujourd’hui leur tourner le dos. Se sont-ils embourgeoisés ? Sont-ils en train de préparer une retraite politique dorée ? Ont-ils abandonné leur utopie rédemptrice ? Ce qui est clair aujourd’hui c’est que les grands perdants de ces Assises sont le peuple et les acteurs qui étaient de bonne foi. La rupture de BENNO SIGGIL Sénégal a été un signal fort pour décrypter le jeu de dupes qu’il y avait derrière ces Assises. Alors que la coalition susmentionnée avait proclamé son engagement à appliquer les résultats des Assises, une querelle de préséance à la candidature à la présidentielle a rompu l’unité. Comment des gens qui prétendaient vouloir affaiblir le présidentialisme excessif, à défaut de le remplacer par un régime semi-parlementaire, peuvent-ils se disputer une candidature à une présidentielle ?
Le plus étrange est qu’une fois le pouvoir acquis, les acteurs des Assises semblèrent hypnotisés et aveuglés par le partage des postes de responsabilité à tel point qu’il fallût recourir à une CNRI pour encore produire le saint graal de nos institutions. De ce saint graal, le despote éclairé ne retint que ce qui lui sembla pertinent : et les « Assisards » ne trouvèrent rien à dire, sinon que c’est qui a été élu ! Rien n’a changé dans ce pays, à part les hommes ! Tout, sur le plan institutionnel et démocratique, a empiré dans ce pays ! Les pratiques sont les mêmes, voire pires. Les Sénégalais sont indignés, dégoutés et lâchement embarqués dans des discussions stériles avec un référendum qui n’a d’autre finalité que de maquiller un mensonge historique et des échecs retentissants.
LE PEUPLE SE MEURT ET LE MENSONGE CONTINUE DE PLUS BELLE !
Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès