À quelques jours du premier tour de la présidentielle ivoirienne du 25 octobre, Alpha Blondy est en tournée en France, où il jouera notamment près de Paris, le 31 octobre. Autrefois soutien inconditionnel de Laurent Gbagbo, l’icône du reggae africain a accepté de se confier à Jeune Afrique. Et cette fois, c’est « tako kélé » pour Ouattara. Interview.
Jeune Afrique : Êtes-vous serein pour votre pays, à la veille de la présidentielle du dimanche 25 octobre ?
Alpha Blondy : Moi, je suis pour que les politiques se parlent, au lieu que ce soit les armes qui parlent. J’encourage tout processus électoral qui se fait dans les règles du jeu. Or c’est le cas, la campagne s’est bien passée. La paix est sauvegardée. En tant qu’ambassadeur ivoirien pour la paix de la Cedeao, je suis évidemment pour le respect de la démocratie. Et là , je suis plus que confiant.
Pourtant, certains candidats réunis dans la Coalition nationale pour le changement (CNC) dénoncent « un scrutin biaisé », ne font pas confiance à la Commission électorale indépendante (CEI), et fustigent encore des moyens médiatiques disproportionnés en faveur de Ouattara…
C’est très africain, il y aura toujours quelque chose à redire. Mais moi je constate une chose : l’opposition s’oppose, le parti au pouvoir joue son rôle… L’opposition a battu campagne, elle peut s’exprimer, dénoncer. C’est déjà bon signe. C’est une démocratie naissante. Elle prend forme dans les cerveaux. On revient de loin, souvenez-vous, on était au bord du précipice, ce n’était pas évident. Dans sa convalescence, après la crise postélectorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3 000 morts, le pays est seulement en train de se relever. À mon sens, on est sur la bonne voie…
Tant qu’il n’y a pas de violence, c’est parfait. Si les manifestations sont prévues avant, respectent la loi, je pense que tout se passera bien. La machine démocratique est en marche…
Vous pensez que le pays est réconcilié ?
Il est en train de se retrouver. Laissez-lui le temps, mais la croissance est là et c’est elle qui va ramener la paix définitive. Quand tout le monde en profitera, tout ira.
Vous faites partie de ceux qui veulent que l’ancien président Laurent Gbagbo incarcéré à La Haye rentre au pays ?
Je ne suis pas pour qu’il soit libéré. Je ne m’immisce pas dans les affaires de la justice. Je pense juste qu’en tant qu’Ivoirien, je préférerais qu’il soit jugé ici, en Côte d’Ivoire. Je suis peiné de le voir à La Haye. Mais même M. Ouattara aujourd’hui n’y peut rien, ce n’est plus lui qui décide, mais la justice internationale.
Ouattara est, avec Bédié, le fils spirituel d’Houphouët-Boigny. Il essaye de mettre en pratique les idées du Vieux. C’est son meilleur élève, c’est tout.
Vous avez gardé des contacts avec le clan Gbagbo ?
J’ai essayé, mais à chaque fois que je leur ai fait des propositions notamment pour faire revenir l’ancien président Gbagbo, ils m’ont volé dans les plumes…
Peut-être qu’ils savent que vous avez rejoint le camp Ouattara ?
Effectivement, je le soutiens car je pense que c’est le meilleur pour mon pays, c’est mon droit. On est en démocratie. Je trouve que grâce à lui, la Côte d’Ivoire va beaucoup mieux. J’ai fait beaucoup de tournées et j’ai pu constater que tout mon pays était en chantier. C’est ça qui m’importe. Je ne suis pas d’un bord politique, ni de droite, ni de gauche, je suis pour la paix. Je vote pour ce que je vois. Ouattara est, avec Bédié, le fils spirituel d’Houphouët-Boigny. Il essaye de mettre en pratique les idées du Vieux. C’est son meilleur élève, c’est tout.
L’opposition emmenée par Pascal Affi N’Guessan dit que tout le monde ne profite pas de ce développement…
C’est justement pour ça qu’il faut donner un deuxième ticket à M. Ouattara afin qu’il mène à bien tous ses projets. Toute son équipe s’attèle à faire profiter le peuple de cette croissance. Ils ont conscience du tissu social et des difficultés qui les attendent.
Vous en pensez quoi d’Affi N’Guessan, le candidat du FPI ?
Affi est un homme courageux et j’ai beaucoup de respect pour lui. Il y a un proverbe qui dit : « Le plus difficile, ce n’est pas de tomber, c’est de pouvoir se relever ». C’est ce qu’il fait, c’est tout à son honneur. Il est combatif, il aime profondément la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens.
Vous avez des chansons qui rendent hommage à des présidents, on peut en imaginer une pour Ouattara ?
Pour l’instant non. Celles que j’ai écrites sont sur de grands présidents qui ont marqué l’histoire, Houphouët-Boigny, Sankara. Pour Ouattara, attendons de voir.
Quel est votre pronostic pour dimanche !
Que le meilleur gagne !
Pour vous c’est donc Ouattara ?
Oui c’est bien lui. Et « Tako kélé », d’un coup KO !… Comme ça, il n’y aura rien à dire, pas de bagarre possible. De toute façon, les gens sont fatigués de la guerre, ils veulent la paix.