Me Kaba, Reed Brody et Me Boucounta Diallo à gauche, lors du dépôt de la première plainte contre Habré au Sénégal
Il y a plus de 25 ans, au Tchad, Souleymane Guengueng , un fonctionnaire profondément croyant qui a vu des dizaines de ses codétenus succomber à des actes de torture ou à la maladie dans les prisons de Hissène Habré, s’est juré que, s’il sortait vivant de prison, il lutterait pour la justice.
Aujourd’hui, j’étais assis aux côtés de Souleymane et d’autres survivants dans une salle d’audience du Palais de Justice de Dakar lorsque Habré a été condamné pour les atrocités qu’il a commises par une cour spéciale au Sénégal, pays dans lequel il profitait d’un exil doré depuis sa chute du pouvoir en 1990.
Pendant de nombreuses années, alors que Souleymane et les autres victimes rencontraient obstacle après obstacle dans leur chemin vers la justice, le refrain commun était qu’ils n’y arriveraient jamais. Mais dans une affaire qui semblait à maintes reprises enterrée, les victimes ont bien fait comprendre qu’elles n’abandonneraient jamais. Elles ont engagé des poursuites au Sénégal et en Belgique, et sont allées devant le Comité des Nations Unies contre la Torture, devant l’Union africaine et, avec le soutien de la Belgique, devant la Cour internationale de Justice. Comme l’a récemment écrit le New York Times : « de nombreux pays africains ont souffert de dictateurs violents, de seigneurs de guerre et de bains de sang impunis. Mais l’affaire Habré se distingue grâce à des victimes déterminées qui ont été conseillées et soutenues par Human Rights Watch et d’autres activistes ».
Des personnes extraordinaires, certaines connues et d’autres non, ont ajouté leur « grain de sable » à cet effort. Aucune, pourtant, n’aura autant contribué à cette lutte que Jacqueline Moudeina, une avocate tchadienne courageuse et déterminée qui a survécu en 2001 à une attaque à la grenade d’un complice de Habré et qui mène la lutte avec les victimes. Des éclats sont encore incrustés dans sa jambe. Clément Abaifouta, le « fossoyeur » forcé d’enterrer les autres détenus dans des charniers, a repris l’association des victimes lorsque des menaces de morts ont obligé Souleymane Guengueng à s’exiler. Et tout a changé pour les victimes quand Macky Sall est devenu Président du Sénégal en 2012 et que sa première Ministre de la Justice, Aminata Touré, « Mimi la tempête », a fait de l’affaire Habré la pierre angulaire de sa campagne contre l’impunité et la corruption.
Cette affaire a été un long périple pour moi aussi. Il a commencé en 1999 alors que je travaillais encore sur l’affaire Pinochet, un précédent qui a inspiré les victimes tchadiennes.
Malheureusement, nombreux sont les survivants des geôles de Habré qui sont décédés avant d’avoir pu assister au procès et à la condamnation de leur dictateur, comme mes amis Ismael Hachim, Samuel Togoto et Sabadet Totodet. ‘Papa’ Adimatcho, sévèrement torturé en prison et alité ces dernières années, est mort deux jours seulement avant son témoignage prévu en visio-conférence devant les Chambres africaines extraordinaires.
Aujourd’hui restera cependant gravé dans l’Histoire comme le jour où un groupe déterminé de survivants ont réussi à faire traduire leur dictateur en justice.
« Aujourd’hui, je me sens dix fois plus grand que Hissène Habré », a déclaré Souleymane Guengueng après le verdict.
Nous espérons qu’à l’image des victimes de Hissène Habré qui ont été galvanisées par ce que les survivants de Pinochet avaient accompli, d’autres survivants, d’autres militants seront à présent inspirés par ce que les survivants du régime de Habré ont été capables de réaliser : la justice.
Léa Pernot
Communication and Media Relations / Operations Assistant
Human Rights Watch, Paris Office
Aujourd’hui, j’étais assis aux côtés de Souleymane et d’autres survivants dans une salle d’audience du Palais de Justice de Dakar lorsque Habré a été condamné pour les atrocités qu’il a commises par une cour spéciale au Sénégal, pays dans lequel il profitait d’un exil doré depuis sa chute du pouvoir en 1990.
Pendant de nombreuses années, alors que Souleymane et les autres victimes rencontraient obstacle après obstacle dans leur chemin vers la justice, le refrain commun était qu’ils n’y arriveraient jamais. Mais dans une affaire qui semblait à maintes reprises enterrée, les victimes ont bien fait comprendre qu’elles n’abandonneraient jamais. Elles ont engagé des poursuites au Sénégal et en Belgique, et sont allées devant le Comité des Nations Unies contre la Torture, devant l’Union africaine et, avec le soutien de la Belgique, devant la Cour internationale de Justice. Comme l’a récemment écrit le New York Times : « de nombreux pays africains ont souffert de dictateurs violents, de seigneurs de guerre et de bains de sang impunis. Mais l’affaire Habré se distingue grâce à des victimes déterminées qui ont été conseillées et soutenues par Human Rights Watch et d’autres activistes ».
Des personnes extraordinaires, certaines connues et d’autres non, ont ajouté leur « grain de sable » à cet effort. Aucune, pourtant, n’aura autant contribué à cette lutte que Jacqueline Moudeina, une avocate tchadienne courageuse et déterminée qui a survécu en 2001 à une attaque à la grenade d’un complice de Habré et qui mène la lutte avec les victimes. Des éclats sont encore incrustés dans sa jambe. Clément Abaifouta, le « fossoyeur » forcé d’enterrer les autres détenus dans des charniers, a repris l’association des victimes lorsque des menaces de morts ont obligé Souleymane Guengueng à s’exiler. Et tout a changé pour les victimes quand Macky Sall est devenu Président du Sénégal en 2012 et que sa première Ministre de la Justice, Aminata Touré, « Mimi la tempête », a fait de l’affaire Habré la pierre angulaire de sa campagne contre l’impunité et la corruption.
Cette affaire a été un long périple pour moi aussi. Il a commencé en 1999 alors que je travaillais encore sur l’affaire Pinochet, un précédent qui a inspiré les victimes tchadiennes.
Malheureusement, nombreux sont les survivants des geôles de Habré qui sont décédés avant d’avoir pu assister au procès et à la condamnation de leur dictateur, comme mes amis Ismael Hachim, Samuel Togoto et Sabadet Totodet. ‘Papa’ Adimatcho, sévèrement torturé en prison et alité ces dernières années, est mort deux jours seulement avant son témoignage prévu en visio-conférence devant les Chambres africaines extraordinaires.
Aujourd’hui restera cependant gravé dans l’Histoire comme le jour où un groupe déterminé de survivants ont réussi à faire traduire leur dictateur en justice.
« Aujourd’hui, je me sens dix fois plus grand que Hissène Habré », a déclaré Souleymane Guengueng après le verdict.
Nous espérons qu’à l’image des victimes de Hissène Habré qui ont été galvanisées par ce que les survivants de Pinochet avaient accompli, d’autres survivants, d’autres militants seront à présent inspirés par ce que les survivants du régime de Habré ont été capables de réaliser : la justice.
Léa Pernot
Communication and Media Relations / Operations Assistant
Human Rights Watch, Paris Office