Monsieur le Directeur général, la Sen Re se positionne comme étant une société leader dans le domaine de la réassurance au Sénégal. Pouvez-vous rappeler brièvement présenter votre société, ses missions et son champ d’intervention ?
La création, en 1988, de la Société sénégalaise de réassurance (Sen-Re) par les hautes autorités de notre pays, en partenariat avec les sociétés d’assurances agréées pour exercer au Sénégal, répondait au souci de mettre en place des mécanismes aptes à favoriser la rétention des primes d’assurances localement, pour réduire les sorties de devises et le déséquilibre de la balance commerciale. La mission principale de la Sen-Re est, par conséquent, d’accompagner les sociétés d’assurances locales, en mettant à leur disposition des capacités de souscription additionnelles, pour leur permettre d’abord, de mieux sécuriser leurs engagements, et ensuite de minimiser autant que faire se peut, le recours à des partenaires extérieurs.
Pour lui permettre de mener à bien cette mission, l’Etat a institué des cessions de primes obligatoires (dites cessions légales) au profit de la Sen-Re.
Pouvez-vous nous dire en quoi consiste la réassurance ?
Par définition la réassurance est une technique de mutualisation verticale par laquelle une société d’assurance partage les risques et les engagements qu’elle souscrit en les cédant à une société dite de réassurance. Par ce mécanisme, les assureurs se protègent contre les conséquences financières de sinistres plus fréquents ou de très forte amplitude.
Le support que le réassureur apporte à l’assureur permet à ce dernier de réduire la volatilité de ses résultats et ses besoins en fonds propres.
Dans ses compétences, la Sen-Re bénéficie de cessions légales. De quoi s’agit-il plus concrètement ?
La cession légale est un mécanisme qui oblige toutes les sociétés d’un marché où d’un espace économique, voire d’un continent, à transférer obligatoirement une partie de leurs engagements à des réassureurs. Au Sénégal, ce mécanisme a été institué par la loi 89-28 du 22 juin 1989. La gestion de ces cessions légales est confiée à la Sen-Re qui de ce fait, bénéficie de parts légales de
Depuis le 1er mars 2018, un arrêté ministériel est venu compléter ce schéma de cession obligatoire en instituant une obligation de cession sur les facultatives. Qu’est ce qui justifie cette mesure ? Quelles sont ses implications sur les activités de Sen-Re?
L’adoption de cette troisième cession légale de 10% sur les affaires facultatives s’inscrit en droite ligne de la modification de l’article 308 du Code Cima, dont l’objectif est de favoriser la conservation, dans cet espace, d’une part significative des primes. Les sociétés d’assurances qui transféraient une part très importante de leurs engagements et de leurs primes à l’étranger, sont depuis la modification de l’article 308 obligées de collaborer avec les acteurs de l’espace Cima et de leur faire confiance.
Pour optimiser les retombées de ce « contenu local », sans perturber le fonctionnement des entreprises d’assurances, l’Etat a instauré cette troisième cession légale sur les facultatives, c’est-à-dire sur la part d’engagements des assureurs qui est placée au cas par cas à des réassureurs, souvent étrangers.
Parallèlement à cette obligation de cession, la Sen-Re a développé le volet des affaires conventionnelles s’étendant à des acceptations variées à travers tout le continent. Qu’est ce qui est à l’origine du ciblage de ces marchés pour la Sen-Re. Quelle évaluation en termes de chiffres réalisés par zone pouvons-nous en tirer ?
La réassurance est un métier d’ouverture, de partage et de mutualisation dans lequel le cantonnement des activités sur un seul marché fait peser des risques à l’économie dans son ensemble. C’est pourquoi, après un ancrage local fort, tous les réassureurs s’ouvrent à d’autres horizons, pour élargir les bases de la mutualité. La Sen-Re a donc opté pour une ouverture prudente et graduelle vers d’autres espaces juridiquement, économiquement, culturellement et géographiquement proche, notamment, l’Afrique francophone, puis tout le continent hors Afrique du Sud et enfin la zone Middle East & North Africa (Mena).
Au 31 décembre 2022, la Sen-Re a réalisé un chiffre d’affaires de 30,4 milliards de FCfa, dont 83% en Afrique de l’Ouest, 12% en zone Mena et 5% sur le reste du continent.
Après plus de trente années de présence sur le marché, quelles sont les leçons apprises de l’intervention de Sen-Re sur le marché sénégalais ? Y a-t-il encore des défis à relever ?
Au cours des trente (30) ans, la Sen-Re a eu à relever plusieurs défis. Le plus important est de se faire accepter par des acteurs qui de longue date travaillaient avec d’autres partenaires plus techniques et financièrement plus solides. Mais aujourd’hui, par la réactivité, la proximité, la réponse rapide aux demandes de règlements, l’assistante technique aux clients et la formation des cadres du marché, la Sen-Re a réussi à gagner en crédibilité et en respectabilité.
L’autre défi important est désormais le renforcement de sa résilience et le maintien de son dynamisme commercial dans un écosystème peu propice à l’activité de réassurance pour diverses raisons. C’est d’abord, la méconnaissance par les pouvoirs publics et les décideurs des spécificités de la réassurance, et ensuite, à cause d’un environnement juridique et fiscal perturbant, qui pèse lourdement sur la compétitivité de la Sen-Re et sa capacité à challenger des acteurs domiciliés dans des marchés plus matures.
A la lecture de vos indicateurs de performance, il est noté une prédominance dans votre chiffre d’affaires des activités de la branche Dommage aux biens. Est-ce une option ou une réalité exercée par le marché ?
La prédominance de la branche dommage s’inscrit en droite ligne des tendances observées chez tous les réassureurs. Quelques chiffres pour illustrer : 55% des 6.300 milliards de dollars de primes d’assurances émises dans le monde viennent de l’activité dommage. Au niveau de la réassurance, 70% des émissions estimées à 374 milliards de dollars proviennent de l’activité dommages. La Vie est faiblement réassurée en raison de ses spécificités techniques.
Comment voyez-vous l’avenir du marché de la réassurance au Sénégal et en Afrique ?
La réassurance est un levier important du développement de l’assurance et de sécurisation de l’économie. Son avenir est ouvert même si les défis à relever son nombreux. Les plus importants sont :
De même, les investissements importants en infrastructures pour rattraper le retard de nos pays dans ce domaine et le besoin de protection qui en découle booste le développement de l’assurance et de la réassurance, d’autant plus que l’ouverture sur le monde oblige aujourd’hui, les acteurs à adopter des normes élevés de gestion, de gouvernance et d’organisation qui leur permettent de se développer.
Lejecos Magazine
La création, en 1988, de la Société sénégalaise de réassurance (Sen-Re) par les hautes autorités de notre pays, en partenariat avec les sociétés d’assurances agréées pour exercer au Sénégal, répondait au souci de mettre en place des mécanismes aptes à favoriser la rétention des primes d’assurances localement, pour réduire les sorties de devises et le déséquilibre de la balance commerciale. La mission principale de la Sen-Re est, par conséquent, d’accompagner les sociétés d’assurances locales, en mettant à leur disposition des capacités de souscription additionnelles, pour leur permettre d’abord, de mieux sécuriser leurs engagements, et ensuite de minimiser autant que faire se peut, le recours à des partenaires extérieurs.
Pour lui permettre de mener à bien cette mission, l’Etat a institué des cessions de primes obligatoires (dites cessions légales) au profit de la Sen-Re.
Pouvez-vous nous dire en quoi consiste la réassurance ?
Par définition la réassurance est une technique de mutualisation verticale par laquelle une société d’assurance partage les risques et les engagements qu’elle souscrit en les cédant à une société dite de réassurance. Par ce mécanisme, les assureurs se protègent contre les conséquences financières de sinistres plus fréquents ou de très forte amplitude.
Le support que le réassureur apporte à l’assureur permet à ce dernier de réduire la volatilité de ses résultats et ses besoins en fonds propres.
Dans ses compétences, la Sen-Re bénéficie de cessions légales. De quoi s’agit-il plus concrètement ?
La cession légale est un mécanisme qui oblige toutes les sociétés d’un marché où d’un espace économique, voire d’un continent, à transférer obligatoirement une partie de leurs engagements à des réassureurs. Au Sénégal, ce mécanisme a été institué par la loi 89-28 du 22 juin 1989. La gestion de ces cessions légales est confiée à la Sen-Re qui de ce fait, bénéficie de parts légales de
- 6.5% sur toutes les affaires assurances souscrites au Sénégal.
- 15% sur les programmes de réassurance des compagnies d’assurance situées au Sénégal.
- 10% sur tous les placements en réassurance facultatives (Fac) des sociétés d’assurance sénégalaises (depuis le 1er mars 2018)
Depuis le 1er mars 2018, un arrêté ministériel est venu compléter ce schéma de cession obligatoire en instituant une obligation de cession sur les facultatives. Qu’est ce qui justifie cette mesure ? Quelles sont ses implications sur les activités de Sen-Re?
L’adoption de cette troisième cession légale de 10% sur les affaires facultatives s’inscrit en droite ligne de la modification de l’article 308 du Code Cima, dont l’objectif est de favoriser la conservation, dans cet espace, d’une part significative des primes. Les sociétés d’assurances qui transféraient une part très importante de leurs engagements et de leurs primes à l’étranger, sont depuis la modification de l’article 308 obligées de collaborer avec les acteurs de l’espace Cima et de leur faire confiance.
Pour optimiser les retombées de ce « contenu local », sans perturber le fonctionnement des entreprises d’assurances, l’Etat a instauré cette troisième cession légale sur les facultatives, c’est-à-dire sur la part d’engagements des assureurs qui est placée au cas par cas à des réassureurs, souvent étrangers.
Parallèlement à cette obligation de cession, la Sen-Re a développé le volet des affaires conventionnelles s’étendant à des acceptations variées à travers tout le continent. Qu’est ce qui est à l’origine du ciblage de ces marchés pour la Sen-Re. Quelle évaluation en termes de chiffres réalisés par zone pouvons-nous en tirer ?
La réassurance est un métier d’ouverture, de partage et de mutualisation dans lequel le cantonnement des activités sur un seul marché fait peser des risques à l’économie dans son ensemble. C’est pourquoi, après un ancrage local fort, tous les réassureurs s’ouvrent à d’autres horizons, pour élargir les bases de la mutualité. La Sen-Re a donc opté pour une ouverture prudente et graduelle vers d’autres espaces juridiquement, économiquement, culturellement et géographiquement proche, notamment, l’Afrique francophone, puis tout le continent hors Afrique du Sud et enfin la zone Middle East & North Africa (Mena).
Au 31 décembre 2022, la Sen-Re a réalisé un chiffre d’affaires de 30,4 milliards de FCfa, dont 83% en Afrique de l’Ouest, 12% en zone Mena et 5% sur le reste du continent.
Après plus de trente années de présence sur le marché, quelles sont les leçons apprises de l’intervention de Sen-Re sur le marché sénégalais ? Y a-t-il encore des défis à relever ?
Au cours des trente (30) ans, la Sen-Re a eu à relever plusieurs défis. Le plus important est de se faire accepter par des acteurs qui de longue date travaillaient avec d’autres partenaires plus techniques et financièrement plus solides. Mais aujourd’hui, par la réactivité, la proximité, la réponse rapide aux demandes de règlements, l’assistante technique aux clients et la formation des cadres du marché, la Sen-Re a réussi à gagner en crédibilité et en respectabilité.
L’autre défi important est désormais le renforcement de sa résilience et le maintien de son dynamisme commercial dans un écosystème peu propice à l’activité de réassurance pour diverses raisons. C’est d’abord, la méconnaissance par les pouvoirs publics et les décideurs des spécificités de la réassurance, et ensuite, à cause d’un environnement juridique et fiscal perturbant, qui pèse lourdement sur la compétitivité de la Sen-Re et sa capacité à challenger des acteurs domiciliés dans des marchés plus matures.
A la lecture de vos indicateurs de performance, il est noté une prédominance dans votre chiffre d’affaires des activités de la branche Dommage aux biens. Est-ce une option ou une réalité exercée par le marché ?
La prédominance de la branche dommage s’inscrit en droite ligne des tendances observées chez tous les réassureurs. Quelques chiffres pour illustrer : 55% des 6.300 milliards de dollars de primes d’assurances émises dans le monde viennent de l’activité dommage. Au niveau de la réassurance, 70% des émissions estimées à 374 milliards de dollars proviennent de l’activité dommages. La Vie est faiblement réassurée en raison de ses spécificités techniques.
Comment voyez-vous l’avenir du marché de la réassurance au Sénégal et en Afrique ?
La réassurance est un levier important du développement de l’assurance et de sécurisation de l’économie. Son avenir est ouvert même si les défis à relever son nombreux. Les plus importants sont :
- La jeunesse de l’industrie et l’inadaptation des cadres légal et fiscal à l’activité de réassurance,
- La qualité médiocre des données disponibles sur lesquelles les actuaires doivent s’appuyer pour asseoir leurs prix et structurer leurs couvertures,
- La rareté des ressources humaines de qualité pour accompagner le développement des acteurs,
- La concentration du marché entre quelques acteurs internationaux qui se partagent l’essentiel des ressources. Ainsi, les cinq (5) réassureurs les plus importants dans le monde polarisent 50% des primes souscrites dans le monde. En Afrique, les 20 premiers réassureurs ont 94% de part de marché.
De même, les investissements importants en infrastructures pour rattraper le retard de nos pays dans ce domaine et le besoin de protection qui en découle booste le développement de l’assurance et de la réassurance, d’autant plus que l’ouverture sur le monde oblige aujourd’hui, les acteurs à adopter des normes élevés de gestion, de gouvernance et d’organisation qui leur permettent de se développer.
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Source : https://www.lejecos.com/Adama-Ndiaye-Directeur-gen...