A l’écoute de la parole experte du management Sénégalais (interview du président Mbagnick Diop)


Rédigé le Vendredi 22 Décembre 2023 à 15:38 | Lu 131 fois | 2 commentaire(s)



AFM – Quel bilan du dernier mandat présidentiel de Macky SALL tirez-vous, en termes de dynamisme économique pour les entreprises sénégalaises ?


Le dernier mandat du Président Macky Sall a été marqué par deux  évènements majeurs. Le premier c’est d’abord la pandémie de la Covid 2019  qui a affecté le monde entier, qui a bouleversé toute l’économie et qui a eu  des conséquences très négatives sur l‘évolution politique, sociale et  économique du monde. Le deuxième évènement marquant ce mandat, c’est  naturellement la guerre Russo-ukrainienne avec les crises différentes. La  crise alimentaire, la crise économique et donc qui sont les conséquences de  guerre. Notre pays faisant parti du monde global a subi sa part de  conséquences et a aussi enregistré des effets négatifs de ces crises-là. Mais  malgré celles-ci on peut constater que grâce à l’action du gouvernement de  Macky Sall, avec la mise à disposition du Fonds Covid, grâce aussi à  l’engagement aux côtés du gouvernement, des entreprises privées  sénégalaises, notre pays a fait preuve d’une grande résilience. Une résilience  qui a permis d’amortir les chocs sociaux, économiques, si effectivement les  mesures n’étaient pas prises au niveau de ces entités. C’est-à-dire le  gouvernement, et l’ensemble des entreprises privées sénégalaises.  Aujourd’hui, la situation est entrain de stabiliser petit à petit et le  gouvernement après les PAP : PAP1 et PAP2, a engagé une dynamique  inclusive avec le PAP3. Une dynamique visant à définir par les acteurs, privés  et publics, une stratégie nationale de développement du secteur privé. Ce  document a été adopté et contient des propositions et des actions fortes.  Cet instrument contient les actions que le gouvernement assigne au secteur  privé et renferme les conditions que le gouvernement doit remplir pour  permettre aux acteurs du secteur privé de jouer son rôle et la mise en place  de cette stratégie, son application très prochaine, la confiance que les

acteurs portent à cette stratégie permettront au Sénégal d‘engager et de  connaître un nouveau dynamisme économique.

AFM – A deux mois de l’élection présidentielle, comment qualifierez-vous  l’environnement actuel des affaires ? Doit-on craindre un  ralentissement de l’activité économique ? 

Aujourd’hui naturellement les conditions d’évolution du secteur privé  Sénégalais sont très difficiles. Ces conditions sont difficiles car nos  entreprises composées essentiellement de PME/PMI, sont confrontées à  deux défis. Le premier défi principal c’est d’abord le problème du  financement des entreprises sénégalaises. Car tout le monde sait que les  banques sénégalaises, bien que sur liquide participent très peu au  financement du PIB national sénégalais. Aujourd’hui les conditions  financières imposées par les banques aux entreprises sénégalaises sont des  conditions difficiles, qui rendent compliqué l’accès au crédit. C’est une  grande problématique car les conditions sont extrêmement difficiles et les  taux d’intérêt pratiqués sont très élevés ne permettant pas à une PME et  PMI d’emprunter, de rembourser et de faire des profits.

La deuxième chose, pour accéder aux crédits bancaires la garantie et suretés  financières exigées sont hors de portée de la PME-PMI sénégalaise.

Troisième chose : le corpus du règlement prudentiel de la BECEAO est  contraignant et ne facilite pas l’accès au crédit. Je voudrai souligner deux  problèmes. Celui du taux de conversion de la BECEAO, pour prêter aux  entreprises. Un taux très élevé et qui ne permette pas de disposer de crédits  longs, adaptés à la condition de la PME-PMI. Il y a le niveau de réserves  obligatoires qui mobilise des fonds stériles et qui ne sont pas employés au  profit de l’économie sénégalaise. Donc l’obstacle financier est important et  un obstacle infranchissable.

L’autre chose c’est le faible niveau d’accès du secteur privé national  sénégalais à la commande publique. Aujourd’hui, la plupart des marchés  importants au Sénégal ce sont des marchés attribués à des groupes  multinationaux étrangers, à des entreprises étrangères avec de grandes

surfaces financières. Tandis que à côté, les entreprises sénégalaises se  contentent et n’ont que des miettes et des petits marchés et végètes dans la  sous-traitance. Il faut davantage mettre l’accent sur le patriotisme  économique pour permettre aux PMI et PME sénégalaises d’accéder de  manières plus amples à la commande publique. Deux questions qui sont à  régler et impérativement au Sénégal.

Si ces questions ne sont pas réglées, l’avenir de l’entreprise sénégalaise  restera sombre. Si cette question n’est pas réglée, la pérennité et le  développement de nos unités de production de nos entreprises se poseront.

AFM-  Selon vous, quelles sont les priorités ou grandes orientations pour  améliorer les relations entre les acteurs économiques et les pouvoirs  publics durant l’année 2024 ? 

Je pense que pour améliorer les relations entre les entreprises sénégalaises  et les pouvoirs publics, les actions sont déjà esquissées dans les réponses aux  deux questions précédentes. Il faut d’abord que les pouvoirs publics  accordent la confiance qu’il faut aux entreprises sénégalaises. Que le  gouvernement sénégalais accorde à son secteur public toute la confiance  nécessaire. C’est un problème de base. Il faudrait aussi que les pouvoirs  publics sachent que tout ce qui est bon pour le Sénégal est bon pour  l’entreprise sénégalaise et que l’entreprise est le moteur de l’économie.  L’entreprise crée de la richesse, l’entreprise crée des emplois, fait reculer la  pauvreté, combat la précarité et donc l’entreprise doit être au cÅ“ur de toute  l’action politique, économique et sociale du gouvernement. Si cela est  compris, naturellement ce pays se mobilisera autour de son entreprise, de  ses partenaires économiques, autour de ses capitaines d’industrie pour faire  de ce pays un pays riche, prospère où il fera bon vivre.

La dernière chose à souligner c’est que l’Etat doit appuyer l’entreprise  sénégalaise, faciliter son accès aux financements publics et au crédit, son  accès à la commande publique et que l’Etat du Sénégal veille à ne pas  toujours approfondir, grandir et élargir la dette intérieure, la dette due aux  entreprises. Aujourd’hui dans beaucoup de secteurs, des entreprises sont en  difficultés à cause de la dette due aux entreprises. Il faut que cette question

soit adressée et considérée comme fondamentale et centrale. Il faut éponger  la dette intérieure, appuyer les entreprises sénégalaises, faciliter leur accès à  la commande publique. Si toutes les conditions sont remplies, l’entreprise  sera dans les conditions optimales pour jouer son rôle et tirer notre  développement économique et social pour l’ensemble des sénégalais.

AFM- Monsieur le Président, vous êtes un précurseur de la lutte contre le  chômage des jeunes, en particulier des jeunes diplômés depuis plus  de deux décennies avec le Forum du 1er Emploi, comment analyser  aujourd’hui le problème de l’emploi au Sénégal ? 

J’ai dit que le Sénégal connait un fort taux de chômage. Notre pays a une  population extrêmement jeune. Selon les statiques, 75% des sénégalais ont  moins de 35 ans. Cette masse de jeune est confrontée à des difficultés  énormes pour accéder à un emploi décent. Cette situation qui est devenu  une préoccupation nationale inquiète le gouvernement, préoccupe les  situations et interpelle toute la communauté internationale. Nous sommes  tous conscients de la persistance de ces forts taux de chômage qui sont une  bombe sociale qu’il faut désamorcer si nous voulons conserver la stabilité de  notre pays, sauvegarder la paix civile. Notre mouvement le MEDS, il y a deux  décennies observant la tendance haussière et dangereuse du chômage avait  alerté et invité les sénégalais à se mobiliser autour de la question et à la  résolution de la question du chômage. Dès lors, notre pays prônait la tête  d’une croisade contre le chômage avec des initiatives hardies qui visaient  toutes à élever l’employabilité des jeunes et qui visait à proposer aux jeunes  des emplois décents pour leur permettre de vaincre ce fléau qu’est le  chômage. Nous sommes conscients que sans cette résolution de cette  question, notre pays court des risques d’instabilités sociales car tout le  monde est conscient que la misère, la pauvreté la précarité ne peuvent pas  durer sans conséquence sur la paix civile et civique. C’est ainsi que le MEDS  lançant plusieurs initiatives dont le Forum du premier emploi. Ce forum qui  aujourd’hui est devenu le plus grand rassemblement de jeunes en quête  d’une insertion professionnelle. Des jeunes dont des milliers ont retrouvé le  sourire et ont accédé à un contrat de travail à savoir un CDD ou à un CDI  grâce à ce forum qui est totalement gratuit et, au fil du temps, est devenu

une bouée de sauvetage pour les jeunes qui se noyaient dans l’océan du  sous-emploi et de la précarité et des loisirs.

Le MEDS continue d’être dans cette lancée avec un vaste mouvement de  lutte contre le chômage, d’un vaste mouvement pour la rénovation du tissu  économique et social pour offrir aux jeunes des emplois décents.

AFM  Comment le MEDS et d’une manière générale le Secteur Privé évolue  dans le contexte préélectoral ? 

Le Sénégal va organiser le 25 février 2024 des élections présidentielles. Donc  cette élection présidentielle sera l’occasion de choisir la femme ou l’homme  qui va présider aux destinées de notre pays pour les 5 prochaines années.  Comme vous le savez, le contexte préélectoral dans nos pays est un moment  particulier, d’hésitation sociale, d’agitation politique, un moment propice  souvent aux désordres. Nous en tant que MEDS, organisation patronale  privée, nous tenons à rappeler que les élections sont un moment important  dans la vie d’une nation mais reste un moment ordinaire qui permet à  chaque citoyens de choisir son candidat pour diriger le pays. Ce moment ne  doit pas être un moment de tensions mais doit être un moment de  confrontations des idées. Cela doit être un moment de choc des arguments,  de propositions, où tous les candidats mus uniquement par l’intérêt national  doivent proposer des pistes de solutions aux problèmes qui assaillent notre  pays. C’est pourquoi le MEDS appelle à la sérénité, au civisme, à l’esprit de  responsabilité pour que le moment puisse passer sans problèmes, pour le  pays et sans grands heurts pour le Sénégal. On n’ose espérer que la  campagne qui va démarrer sera paisible, responsable, où le choc des idées  l’emportera sur la violence physique. Une campagne où la pertinence des  arguments l’emportera sur la force. Une campagne où la virilité de  l’argument l’emportera sur la force physique. En tout cas nous MEDS, en ce  qui nous concerne nus allons jouer notre rôle pour contribuer à l’apaisement  dans ce pas pour un cheminement organisé vers les élections et que le  meilleur gagne et que le pays poursuit sa marche vers le développement. Le  pays dépasse les élections et il sera là après les élections et donc il faut être  conscient que l’intérêt du Sénégal, l’intérêt de la nation doivent l’emporter

sur la passion et l’égoïsme de tous bords qui se réveille et s’expriment  pendant les périodes électorales. C’est cela l’appel que nous lançons à  l’endroit des sénégalais, à l’endroit des acteurs politiques, qui dans ce pays  vont compétir pour bénéficier de la confiance de notre peuple. Le MEDS en  ce qui le concerne travaillera en cela et rencontrera les forces politiques pour  passer avec elles, un pacte de responsabilité, un pacte de fraternité, un pacte  de paix, pour que le Sénégal sorte gagnant de l’élection présidentielle.

AFM- Votre avis et analyses sur les perspectives économiques du Sénégal ? 

Le Sénégal comme l’ensemble des pays de la planète vient de sortir de la  crise du Covid 19 et subit aujourd’hui les conséquences et les chocs produits  par la guerre russo-ukrainienne. Malgré ce double choc, notre pays a résisté  et a fait preuve d’une grande résilience économique et sociale. S’il en est  ainsi, c’est que les acteurs économiques et sociaux ; privés comme publics  chacun s’est résolument engagé à consentir des sacrifices énormes et faire  preuve de patriotismes pour relever les défis et permettre à notre pays de  résister mais aussi de pouvoir renouer avec une croissance économique  appréciable. Cette situation nous devons la consolider et faire en sorte que  notre pays continue sa progression et sa marche vers le peloton des pays en  émergence économique. Et cette situation de progrès, elle se consolide.  Nous sommes en train de la construire et nous dévons la consolider surtout  en mettant au cÅ“ur de nos actions l’entreprise. Elle est le foyer de création  de richesses et doit retenir toute notre attention et doit faire l’objet de nos  sollicitudes. A notre avis tout ce qui concerne l’entreprise, et qui la  développe est bon pour le Sénégal. Nous entreprise du secteur privé, on s’est  engagé avec le gouvernement pour construire une stratégie nationale du  secteur privé sénégalais. Elle repose sur un postulat. Le gouvernement fixe  au secteur privé des objectifs. Objectifs d’investissement de croissance, de  développement économique et social, de création d’emploi et en retour le  secteur privé va définir les moyens pour savoir quels sont les moyens qu’on  va lui donner pour jouer ce rôle-là. Quelles sont les réformes que le  gouvernement sénégalais doit engager pour que le secteur privé national  reste dans les meilleures conditions pour jouer son rôle. Si ce pacte est  respecté par les acteurs, et que le gouvernement prend les réformes

nécessaires, que le gouvernement sénégalais appuie le secteur privé de  façon massive, claire, et efficace et s’engager à réaliser les conditions de  développement que le gouvernement lui fixera. Ce sont là les deux piliers du  pacte. Appui du secteur privé et engagement du secteur privé, par le  gouvernement. Le MEDS est dans cette perspective et prêt à parcours son  chemin. Le MEDS accorde une attention particulière à la question de  l’industrialisation du Sénégal. Nous savons qu’un pays ne peut pas se  développer sans industries. Actuellement, le Sénégal a les atouts pour  développer et commencer à faire essaimer un tissu de PME et de PMI et  surtout une production agricole. Le pays est en train de réaliser au plan  agricole de performances inédites mais ces produits agricoles ne sont ni  transformés ni conditionnés mais sont exportés à l’état brut. Un très peu de  plus-value. Le secteur privé sénégalais souhaiterait avec le gouvernement  réfléchir ensemble pour voir les conditions de transformation de nos  produits agricoles. Dans le domaine de la santé, dans le domaine  pharmaceutique, des industries chimiques, aujourd’hui le Sénégal a des  compétences et donc il ne reste qu’à mettre les conditions pour que nous  pussions voir essaimer des tissus Pme et Pmi. Le MEDS est prêt à s’engager  pour être le moteur de l‘industrialisation prochain du pays. Nous avons les  moyens, l’envie, la compétence, la volonté et ce qui nous reste c’est que le  gouvernement et l’Etat du Sénégal puisse comprendre l’importance de  l’industrie dans le développement économique et nous apporter son soutien.  Nous estimons que le Sénégal est sur la bonne voie. Les indicateurs macro économiques sont bons, les politiques économiques futures ont été  construites sur un consensus avec le secteur privé et le gouvernement. Il ne  reste que l’engagement des deux parties pour que le pays franchisse un pas  nouvel aller vers le développement de l’industrialisation du pays et résoudre  le problème du chômage.

AFM -Vos conclusions et recommandations en votre qualité de Président du  MEDS ! 

Pour les conclusions et quelques recommandations, je pense que si  aujourd’hui nous voulons atteindre nos objectifs de développement  économique, et social, il y a des conditions indispensables qu’il nous faut

remplir. Il y a une attitude nouvelle favorable à l’entreprise à adopter. La  première condition c’est d’abord de mettre en place un système de  financement de l’entreprise sénégalaise. L’entreprise a besoin de ce système  bancaire en guise d’appui pour régler ses besoins en investissement ses  objectifs .Mettre en place un système plus favorable, réduire les goulots  d’étranglements à l’accès aux crédits, réduire les obstacles qui freinent à  l’accès au crédit. Nous pouvons souligner parmi ces obstacles, les taux  d’intérêts trop élevés dans le système bancaire avec une absence de crédit  long adapté au développement des Pme et Pmi, l’existence de conditions de  garantis trop élevés et qui ne sont pas à la portée des Pmi et Pme. Des  questions adressées pour faciliter l’accès. La deuxième chose, c’est l’accès à  la commande publique. Aujourd’hui, tout le monde sait que la plupart des  projets publics et des grands marchés sont attribués à des sociétés  étrangères et pas de société de droits sénégalais. La première mesure c’est  d’abord de pratiquer effectivement sur le terrain les principes du patriotisme  économique et des clauses de préférence à l’entreprise nationale pour  attribution de la commande publique.

Il faut pour la troisième chose, revoir le système fiscal sénégalais qui  aujourd’hui est très compliqué. Il faut alléger les procédures fiscales mais  aussi alléger les taux de la fiscalité qui pèsent de manière négative sur la  trésorerie des entreprises sénégalaises. Ces questions sont essentielles et  nous pensons que le Sénégal pourra continuer sa marche vers le  développement mais il pourra favoriser une répartition juste des produits du  travail de chaque sénégalais de chaque entité sénégalaise. Et aussi  développer la solidarité nationale, vers les jeunes, vers les personnes du  3ème âge. Nous devons créer une société où chaque citoyen doit trouver  une bonne raison de vivre, de s’épanouir, et de se développer…

La rédaction AFM




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